mercredi 11 janvier 2017

Le problème avec les REER


(cliquez sur les tableaux pour les agrandir)

Le quatrième bloc du système de retraite a pour objectif de remplacer 70 % des revenus gagnés par une rente viagère (RV) provenant d'un REER. Une personne gagnant 50 000 $ par année – revenu moyen des meilleures années – devrait pouvoir s'acheter une RV de 35 000 $ à 65 ans, l'âge normal de la retraite. Certains prétendent que c'est impossible présentement à cause des taux d'intérêt. Ces taux historiquement bas seraient dus aux politiques monétaires des banques centrales, particulièrement depuis la crise de 2008.

Rappelons les règles des REER. Il faut investir 18 % de son revenu gagné pendant 35 années pour espérer obtenir à 65 ans une RV égale à 70 % des revenus perdus. En somme, dans un contexte normal, chaque année de cotisation maximale donnerait 2 % des revenus perdus.

S'ajoutent la rente de retraite du Régime de rentes du Québec (RRQ) et la Pension de sécurité de la vieillesse (PSV) du fédéral qu'on retrouve respectivement au premier et au deuxième bloc. Si ma RV est de 35 000 $, mes revenus de retraite à 65 ans pourraient dépasser les revenus que j'ai perdus en arrêtant de travailler.

La valeur d'une RV dépend de nombreux facteurs, mais les rendements sont primordiaux.

Je vais donner des exemples pour illustrer mon propos. Mes calculs seront faits à partir du salaire industriel moyen (SIM) canadien. Pour simplifier, j'utiliserai le maximum des gains admissibles (MGA) du RRQ. Il suit de près le SIM.

Le MGA correspond à peu près au SIM

Voici le MGA depuis 1966, l'année du début du RRQ.

Tableau 1

Le tableau 1 indique que les salaires ont été multipliés par 11 depuis 1966. Par contre, ce qui coûtait 5 000 $ en 1966 coûte aujourd'hui près de 37 000 $. À cause de l'inflation, nos salaires ne sont que 50 % plus élevés. Cela donne un enrichissement annualisé de 0,85 %.

Admettons que vous réussissiez à cotiser 18 % de vos revenus gagnés pendant 35 ans dans des REER. C'est difficile pour les gagne-petit, mais moins qu'il n'y paraît, car les cotisations réduisent les impôts. Le coût réel est entre 10 % et 13 % du revenu. Vous êtes très prudent ou même, peureux. Vous achetez des obligations à taux fixe avec un terme de 10 ans. Épargne Placements Québec offre 2,55 % présentement. Mettons cela à 3 % pour l'exemple. Qu'obtenez-vous? Après 35 années de cotisations, vous avez environ 356 000 $ à votre disposition à la fin de 2015. Vous pourriez transférer votre REER dans un fonds enregistré de revenu de retraite (FERR). C'est une excellente option sur laquelle je reviendrai, mais vous choisissez d'acheter une RV.

Voici un tableau qui aide à calculer approximativement le montant de la RV.

Tableau 2

Vous voyez que vos 356 000 $ ne suffisent pas pour remplacer 70 % de vos revenus. Si vous choisissez une RV réversible au conjoint et garantie 25 ans, vous recevrez environ 17 000 $ par année, soit 4,7 % de votre capital (en jaune). Vous pourriez recevoir jusqu'à 22 800 $ à condition d'acheter une RV non réversible et sans garantie. Dans tous les cas, vous êtes loin des 35 000 $ souhaités.

Par contre, en additionnant la rente du RRQ (maximum 8 800 $) et la PSV (maximum 6 700 $) aux 17 000 $ de la RV, vous voilà avec 32 500 $, soit 65 % des revenus perdus. Ce n'est pas le pactole, mais on s'approche de l'objectif malgré le très faible rendement de votre REER. L'objectif est atteignable pour le bénéficiaire qui renonce à la réversibilité ou à toute garantie.

Cet exemple est valable pour un homme qui gagnait 50 000 $ à la fin de sa carrière en 2015. Il a 65 ans et sa conjointe est cinq ans plus jeune.

L'exemple serait différent pour une femme. La RV est plus petite parce que l'espérance de vie des femmes est meilleure. C'est frustrant, mais c'est ainsi que nos banquiers et nos assureurs calculent...

J'ai connu des années au cours desquelles un capital de 356 000 $ suffisait pour payer 70 % de 50 000 $. On pouvait acheter une RV de 35 000 $ ou plus parce que les taux d'intérêt étaient extraordinairement élevés. Ce fut une période faste pour les nouveaux retraités, mais exceptionnelle. Dans la partie droite du tableau 2, j'évalue que 356 000 $ devraient pouvoir garantir entre 19 000 $ et 26 000 $ par année, soit entre 5,4 % et 7,4 % du capital (en vert). En additionnant la rente du RRQ et la PSV, on atteindrait l'objectif : remplacer 70 % des revenus de travail. On pourrait même le dépasser.

Un taux de conversion de 6,4 % (en jaune) est présentement possible à condition d'acheter un RV non réversible et sans aucune garantie. Si vous mourez immédiatement après avoir signé votre contrat de rente, vous n'aurez rien reçu, votre conjoint ne recevra rien, vos héritiers non plus. C'est le vendeur qui empoche tout!

Pour recevoir une RV de 35 000 $, réversible et garantie 25 ans, vous auriez besoin de 741 000 $ tels qu'indiqué au tableau 2. Le rendement sur les cotisations devrait être de 7,1 % ou plus. Impossible avec des investissements ordinaires. Il faut accepter de prendre des risques pour obtenir un tel rendement.

La Caisse de dépôt et de placements du Québec (CDPQ) prend des risques. On l'a bien vu en 2008 quand elle a subi des pertes de 25 %. Elle a connu de bonnes et de mauvaises années. Au bout du compte, son rendement annualisé a été de 8,6 % au cours des cinquante dernières années. Cela prouve qu'il est possible de faire mieux que 7 %.

L'avantage des fonds enregistrés de revenus de retraite (FERR)

Quelqu'un qui a cotisé au maximum à son REER depuis 1981 est aujourd'hui millionnaire s'il a obtenu des rendements semblables à ceux de la CDPQ. C'est vrai même si son salaire n'a jamais dépassé le SIM. Il pourrait recevoir une RV de 47 000 $, réversible et garantie 25 ans. C'est 94 % de son dernier salaire de 50 000 $. En ajoutant le RRQ et la PSV, il recevrait un total de 62 500 $! Par contre, il devrait s'acheter un FERR si ses rendements sont plus élevés que le taux de conversion la RV.

Le tableau 3 illustre cela.

Tableau 3

Si le bénéficiaire vit jusqu'à 100 ans, il recevra près de 1,7 million $ de son banquier ou de son assureur, mais il ne laissera rien à ses héritiers puisqu'il renonce à son capital en achetant une RV. Il est capable de faire mieux avec un FERR à condition d'aller chercher un rendement supérieur au taux de distribution de 4,7 %. Dans le tableau, le rendement sur le FERR est de 5 %. La rente commence à 40 000 $ au lieu de 47 000 $, mais elle augmente chaque année et monte jusqu'à 76 518 $ avant de redescendre à partir de 95 ans. Si le bénéficiaire meurt à 100 ans, il aura reçu plus de 2 millions $ et laissera près de 122 000 $ aux héritiers.

C'est quoi le problème avec les REER?


On peut encore préparer sa retraite avec des REER malgré les bas taux d'intérêt. Il faut toutefois accepter d'en payer le prix : 18 % du revenu gagné pendant 35 années ou plus. Il faut aussi trouver un bon gestionnaire de fonds pour maximiser les rendements. Ce n'est malheureusement pas à la portée de toutes les bourses. Voilà la principale faiblesse des REER. Ce sont des régimes qui profitent surtout à ceux qui ont les moyens de cotiser au maximum et de recourir à des spécialistes.

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