(cliquez sur les tableaux pour les agrandir)
Au
début de décembre 2016, le gouvernement du Québec a présenté le
document de consultation Consolider
le Régime pour renforcer l'équité intergénérationnelle.
Je
suis étonné qu'un gouvernement dirigé par Philippe Couillard,
fédéraliste convaincu, propose une réforme qui va à l'encontre de
nos intérêts en tant que Canadiens.
Le
Québec est encore une province. Tant qu'il en sera ainsi, le Régime
de rentes du Québec (RRQ) et le Régime de pensions du Canada (RPC)
devront rester jumeaux. Si Philippe Couillard, un libéral, ne
s'entend pas avec Justin Trudeau, un autre libéral, sur la réforme
des pensions, il doit tenter de convaincre le reste du pays de réviser
l'accord conclu en juin dernier. Au lieu de cela, il songe à mettre
en péril la compatibilité des deux régimes.
Le
gouvernement a beau présenter trois scénarios, on sait d'avance
qu'il rejette le premier, celui sur lequel le reste du Canada s'est
entendu (voir Le problème avec la réforme du Régime de pension du Canada).
Le deuxième scénario emprunte un peu au premier, mais sans rien
changer pour les travailleurs qui gagnent moins que la moitié du
maximum des gains admissibles (MGA), 27 450 $ en 2016. Le résultat
fait de nous des retraités de seconde classe par rapport aux autres
Canadiens; nos rentes seraient significativement moins élevées.
Cela pourrait donner envie aux Québécois d'aller gagner leur vie
ailleurs au Canada, mais ce ne serait certainement pas un incitatif à
venir travailler ici pour les autres Canadiens. Il y a des milliers
de cotisants aux deux régimes qui pourraient se sentir floués par
Québec.
Comme
le troisième scénario est le statu quo, on se doute bien que c'est
le préféré de Philippe Couillard. Sinon, pourquoi l'aurait-il
soumis à notre attention? Le gouvernement cherche à protéger les
entreprises contre toute hausse de cotisations au RRQ, quitte à
priver les citoyens du Québec de certains des avantages d'être
Canadiens.
Curieusement,
nous ne sommes pas loin d'une déclaration unilatérale
d'indépendance!
J'ironise,
bien sûr.
En
réalité, le gouvernement souffle le chaud et le froid. Il veut que
le RRQ soit pareil au RPC quand cela coûte moins cher. Il cherche à
nous différencier du reste du Canada quand il trouve la facture trop
salée. Pour supposément protéger la compétitivité des
entreprises québécoises, il est prêt à sacrifier la bonification
du système de retraite en cours dans le reste du Canada.
En
plus des trois scénarios précédents, le gouvernement présente ce
qu'il appelle, dans sa langue de bois, des « mesures structurantes
pour renforcer la pérennité du Régime ». Dans la majorité des
cas, il s'agit de réduire des avantages dans le but de limiter le
risque d'augmentation des cotisations.
Première proposition
Relever
l’âge minimal d’admissibilité à la rente de retraite anticipée
du RRQ.
La
retraite anticipée n'existait pas au RRQ avant 1984. La Régie des
rentes du Québec (devenue Retraite Québec) a convaincu le
gouvernement d'adopter cette mesure en lui démontrant qu'elle ne
coûtait rien. Payer 100 % de la rente à partir de 65 ans ou 70 % à
partir de 60 ans était neutre d'un point de vue actuariel. Depuis,
le gouvernement a serré la vis: la rente payable à 60 peut être
aussi basse que 64 % du montant payable à 65 ans. Cela signifie
qu'on est pénalisé de demander sa rente à 60 ans. Inversement, on
est récompensé de la retarder. À 70 ans, on peut recevoir 142 % au
lieu de 130 %. Autrement dit, ceux qui sont récompensés reçoivent
l'argent qui était dû à ceux qu'on a pénalisés.
Apparemment,
la pénalité ne nous décourage pas de partir tôt à la retraite.
Je sais que le gouvernement voudrait nous forcer à travailler plus
longtemps parce qu'il craint une pénurie de main-d'œuvre avec le
vieillissement des baby-boomers. Relever l'âge minimal serait pour
lui une manière de contrer la décision du fédéral de maintenir
l'âge normal de la retraite à 65 ans.
De
mon point de vue, Québec devrait plutôt tenter de convaincre le
reste du Canada de l'opportunité d'augmenter l'âge normal de la retraite
à 67 ans. C'est une mesure qui serait parfaitement justifiable à cause de l'augmentation de l'espérance de vie.
La
retraite anticipée réduit le coût du RRQ puisqu'elle est
pénalisante. Dans ce contexte, il n'y a aucune raison de relever
l'âge minimal d'admissibilité. Je suis même d'avis de faire sauter
la pénalité. Compte tenu de l'espérance de vie actuelle, je
calcule les équivalences actuarielles suivantes :
- réduction de 5 % par année (0,4167 % par mois) avant 65 ans (réduire davantage est inéquitable)
- augmentation de 7,2 % par année (0,6 % par mois) après 65 ans (augmenter davantage est inéquitable).
À
noter que la personne qui retarde le paiement de la PSV a droit à
0,6 % de plus par mois. Cela confirme mon calcul.
Deuxième proposition
Simplifier
et uniformiser la protection en cas d’invalidité à partir de
l’âge minimal d’admissibilité à la rente de retraite.
À
première vue, cette proposition est pleine de bon sens.
Troisième proposition
Moderniser
les parties uniformes de la rente de conjoint survivant.
En
fait, réduire la rente de conjoint survivant. Ici, le
gouvernement est d'accord pour appliquer ce qui existe depuis
longtemps au RPC puisque cela lui permettrait d'épargner de
l'argent.
Je
ne m'oppose pas à ce que les prestations du RRQ et du RPC soient
pareilles.
Quatrième proposition
Réviser
le montant maximal de la rente combinée (rente de retraite et rente
de conjoint survivant).
Encore
une fois, il s'agit de réduire la rente de conjoint
survivant.
Je
m'oppose à ce qu'on pénalise un veuf ou une veuve parce qu'il
(elle) a eu l'opportunité de cotiser au RRQ. Les rentes devraient
être additionnées dans les deux régimes.
Cinquième proposition
Assurer
la pleine capitalisation des améliorations éventuelles apportées
au Régime.
C'est
une mesure qui existe déjà au RPC. Je suis pleinement d'accord. Les
propositions que je fais ailleurs sont complètement capitalisées.
Sixième proposition
Introduire
un facteur de longévité.
En
fait, réduire la rente ou en retarder le paiement sous
prétexte qu'elle doit être versée plus longtemps. Comme avec la
première proposition, c'est une manière de contrer la décision du
gouvernement canadien de garder l'âge normal de la retraite à 65
ans. Encore une fois, il serait plus productif de convaincre les
Canadiens de reporter l'âge normal à 67 ans. D'autant plus que ce
facteur de longévité serait pénalisant pour les Québécois en
général et, plus particulièrement, pour les nombreux cotisants aux
deux régimes, s'ils avaient l'idée folle de s'installer au Québec
avant de demander leur rente. Il faut savoir que l'organisme
responsable dépend du lieu de résidence du bénéficiaire quand la
rente devient payable...
À
noter qu'un facteur de longévité serait inutile pour ce qui
concerne ma proposition de rente supplémentaire dans Comment le système de retraite devrait-il fonctionner?
Septième proposition
Indexer
les rentes en paiement selon l’inflation au Québec.
En
fait, réduire les indexations annuelles sous prétexte que le
coût de la vie est plus faible au Québec.
Tant
qu'à faire, pourquoi pas selon l'inflation dans chaque région,
chaque ville ou chaque patelin? Et que fera le gouvernement si
l'inflation devient plus forte qu'ailleurs au Canada?
Voilà
une autre mesure qui ne favorise pas la mobilité de la main-d'œuvre
et qui donne envie de quitter le Québec pour éviter d'y être
assujetti. Ce n'est vraiment pas une bonne idée.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire