mercredi 11 janvier 2017

Le problème avec les régimes collectifs


(cliquez sur les tableaux pour les agrandir)

Le troisième bloc du système de retraite est celui des régimes complémentaires de retraite (RCR). Comme leur nom l'indique, ces régimes ont pour rôle de fournir un complément aux régimes publics, particulièrement à la rente de retraite du RRQ. Celle-ci peut remplacer 25 % du salaire ou du revenu de travailleur autonome, mais ne peut dépasser 25 % du salaire industriel moyen (SIM). C'est très peu de protection à la retraite, même si la rente est indexée chaque année au coût de la vie.

La plupart des spécialistes affirment que les revenus de pension doivent couvrir 70 % des revenus de travail. C'est particulièrement vrai pour ceux qui ont des revenus moyens, entre 40 000 $ et 80 000 $.
Ainsi, comme je le dis dans Le problème avec les REER, 50 000$ devraient être remplacé par 35 000 $. Comment se fait-il que 35 000 $ soient suffisants? Parce que ça coûte cher d'aller travailler et d'épargner en vue de la retraite. Quand on est retraité, certaines dépenses disparaissent : frais de transport, frais de repas, cotisations à un fonds de pension ou à des REER... Par ailleurs, on paie moins d'impôts parce qu'on à moins d'argent et plus de déductions. Au bout du compte, avec 35 000 $, on conserve le même pouvoir d'achat qu'avec un salaire de 50 000 $.

Le travailleur autonome n'a que le quatrième bloc pour complémenter le RRQ. C'est en achetant des REER qu'il pourra jouir d'une bonne retraite. S'il contribue au maximum pendant 35 ans et s'il obtient d'excellents rendements sur ses placements, ses REER lui donneront des revenus de retraite au moins équivalents à 70 % de ses revenus de travail. Comme il n'y a pas de coordination entre les REER et les deux premiers blocs, la pension de sécurité de la vieillesse (PSV) et la rente du Québec (RRQ) s’additionnent à son REER. Le total pourrait dépasser 100 % des revenus perdus.

Tout le monde n'a pas les moyens d'épargner ce qu'il faut – 18 % des revenus pendant 35 ans – afin d'atteindre l'objectif visé. Heureusement, grâce aux deux premiers blocs, on peut y arriver en épargnant moins. La PSV et le RRQ peuvent remplacer 40 % des revenus de travail. Quand c'est le cas, il suffit que les REER remplacent 30 % pour atteindre l'objectif à 65 ans, l'âge normal de la retraite. Si le rendement des REER est de 6 % par année, il faut épargner 9 % des revenus pendant 35 ans pour y arriver. Les cotisations étant déductibles, le coût de l'épargne serait autour de 6 %. C'est vrai pour ceux dont les revenus correspondent au SIM. Si vos revenus sont à peu près la moitié du SIM, inutile d'épargner; les deux premiers blocs protègent ou améliorent votre pouvoir d'achat. Si au contraire, vos revenus sont le double du SIM, la rente du RRQ et la PSV en remplacent moins que 20 %. Vous devrez donc cotiser davantage à vos REER.

Les régimes à cotisations déterminées (RCR CD)

Les salariés sont dans la même situation que les travailleurs autonomes s'ils n'ont pas de fonds de pension chez leur employeur. C'est le cas de la majorité. Il y a quand même des employeurs qui offrent un RCR à leurs employés. La plupart offrent des régimes à cotisations déterminées (RCR CD). Ces régimes fonctionnent comme des REER. Parfois, ce sont carrément des REER dits collectifs. Habituellement, l'employeur et l'employé cotisent, à parts égales ou non. Les épargnes sont confiées à un gestionnaire de fonds chargé de maximiser les rendements. Quand un employé prend sa retraite, les sommes accumulées sont transformées en rente viagère (RV). Comme je l'ai déjà dis, le montant de la RV dépendra de nombreux facteurs, dont les rendements obtenus et l'âge du rentier.

Pour épargner sur les coûts, l'employeur tient souvent compte de la PSV et de la rente du RRQ. Il établit le montant de la cotisation (ou le négocie avec le syndicat) avec l'aide du gestionnaire du fonds, pour couvrir la protection choisie. Par exemple, si les salaires correspondent au SIM et si le but du régime est de couvrir le 30 % manquant pour atteindre 70 % à 65 ans, les cotisations pourraient être limitées à 9 %, partagées moitié-moitié avec les employés, à condition que le rendement sur les investissements soit de 6 %. Un tel rendement est rare chez les acheteurs solitaires de REER, mais courant – jusqu'à maintenant – dans les fonds de pension gérés correctement. Rappelons que le rendement annualisé de la Caisse de dépôt et de placements du Québec (CDPQ) depuis 50 ans a été de 8,6 %.

Si le RCR CD n'offre pas une protection adéquate, l'employé peut ajouter un REER. Cependant, il est limité par son facteur d'équivalence : plus l'employeur est généreux, moins l'employé peut cotiser à son REER. Pourquoi? Parce que le système est ainsi fait qu'il permet de reporter l'impôt, et même, au bout du compte, d'en épargner un peu. Le fisc veut bien nous aider à préparer notre retraite, mais pas plus qu'il ne faut... Par ailleurs, le système doit être équitable. Si mon employeur protège une partie de ma retraite, mon REER ne peut protéger que la partie manquante.

Les régimes à prestations déterminées (RCR PD)

Les régimes collectifs considérés comme les meilleurs sont à prestations déterminées (RCR PD). On vient de voir que le montant d'une RV provenant d'un REER ou d'un RCR CD dépend de nombreux facteurs. Cela signifie qu'on ne sait jamais si la RV permettra d'atteindre l'objectif visé. Avec les RCR PD, il n'y a pas de surprises. Dès qu'on commence à travailler pour un employeur qui offre cette protection, on connaît le montant de la pension qu'on recevra le moment venu. La formule la plus connue est la suivante : 2 % par année de participation. Après 35 années, on a droit à 70 % du salaire moyen des meilleures années. En fait, le calcul pour les REER est semblable : 2 % par année; 70 % après 35 ans... Où est la différence? Dans le cas des REER, il n'y a jamais de certitude. La RV, répétons-le, dépend de très nombreux facteurs. À cause de cela, elle peut ne pas atteindre l'objectif comme elle peut le dépasser. Avec les RCR PD, l'objectif est toujours atteint parce qu'il est déterminé d'avance. Rien ne peut le modifier. Si les rendements de la caisse de retraite sont mauvais, je reçois quand même ce qui m'est dû. Si les rendements sont extraordinaires, le montant de ma pension ne sera pas meilleur, mais je pourrais profiter d'une indexation partielle au coût de la vie si c'est prévu au contrat.

C'est surtout dans les organismes publics et parapublics qu'on trouve les RCR PD. Il y en a aussi dans le privé, chez les gros employeurs, mais moins qu'avant. Les employeurs préfèrent généralement les RCR CD parce que les coûts sont fixes et parce qu'ils sont plus faciles à gérer.

Il est vrai que la gestion des RCR PD est plus lourde et que les coûts varient. Quand les rendements sont excellents, il est possible de prendre des congés de cotisation. Par contre, quand les rendements sont médiocres, il faut cotiser davantage pour compenser. Le régime doit être capitalisé à 100 %. La caisse doit contenir suffisamment d'argent pour payer son dû à chaque participant et à chaque bénéficiaire.

Les RCR PD sont-ils plus avantageux que les REER? Offrent-ils plus à moindre coût?

Il faut savoir que les RCR PD sont presque toujours coordonnés avec le RRQ afin de réduire les coûts. C'est permis par la loi et les employeurs ne se gênent habituellement pas... La coordination signifie que l'objectif doit être atteint en combinant les deux régimes. Comme le RRQ garantit jusqu'à 25 % du SIM, le RCR PD paiera la différence pour atteindre l'objectif prévu. Si l'objectif correspond à 70 % du salaire comme c'est souvent le cas, le RCR PD paiera le 45 % manquant pour l'atteindre. Cela est vrai pour les employés dont le salaire ne dépasse pas le SIM. La coordination se fait toujours à 65 ans. Quelqu'un qui gagnait 50 000 $ (salaire moyen des meilleures années) recevrait donc 12 500 $ du RRQ et 22 500 $ du RCR PD pour un total de 35 000 $.

Prenons un travailleur autonome qui a cotisé au maximum à son REER depuis 1981. Il gagnait 50 000 $ au moment de prendre sa retraite en 2016 après 35 années de cotisation. Les rendements de son REER ont été suffisants (6 % par année) pour lui garantir une RV de 35 000 $, soit 70 % de ses revenus de travail. Sa rente n'est pas indexée au coût de la vie. Comparons-le a un salarié dont le salaire moyen est aussi de 50 000 $. Il a participé à un régime qui lui garantie 70 % de son salaire, mais coordonné à la rente du RRQ à partir de 65 ans. Sa pension est partiellement indexée selon la formule suivante : la moitié de l'augmentation du coût de la vie. La moyenne historique est aux alentours de 4 %. J'ai donc choisi d'augmenter sa pension de 2 % par année même si le coût de la vie est présentement plus bas.

Les deux hommes ont gagné les mêmes revenus, cotisé autant d'années et prennent leur retraite en même temps. Ce que chacun recevra dépendra de son âge.

Voici le tableau 4 qui résume tout. Il n'indique pas le montant mensuel. Ce serait trop beau! Il donne le total reçu en fonction de la période choisie.

Tableau 4

Malgré que la pension du salarié soit indexée de 2 % par année, le travailleur autonome reçoit presque toujours plus d'argent. C'est vrai peu importe le scénario. Vous remarquerez que la RV est plus basse avant 65 ans. La réduction est de 5 % à 60 ou de 10 % à 55. Cette réduction s'applique à une rente garantie 25 années, mais non réversible au conjoint. La pension payée au salarié est réduite parce qu'elle est coordonnée avec le RRQ à 65 ans. Si le salarié demande sa pension avant, j'ai calculé qu'il reçoit 35 000 $ indexés jusqu'à 65 ans avant de subir une réduction.

Ce tableau ne tient pas compte du total des cotisations versées. Le travailleur autonome a certainement payé davantage puisqu'il a cotisé 18 % de ses revenus pendant 35 ans. Le salarié a moins cotisé à cause de la coordination avec le RRQ. Dans la mesure où son régime est capitalisé, le salarié a suffisamment cotisé. Comme il a moins cotisé que le travailleur autonome, il est logique qu'il reçoive moins. S'il veut recevoir autant, il doit en plus cotiser à un REER. C'est possible dans les limites permises par son facteur d'équivalence. Ce facteur cherche à garantir l'équité du système en limitant le droit de cotiser à un REER quand on participe à un RCR.

Reprenons l'exemple, mais avec deux hommes qui n'auraient cotisé que durant les dix années précédant leur retraite.

Tableau 5

Cette fois, l'avantage est nettement au participant à un RCR, sauf avant 60 ans. Normalement, une pension n'est pas payable avant 60 ans quand on a cotisé seulement quelques années. Si elle est payable, c'est avec une grosse pénalité qui décourage la plupart les participants de la demander. Par contre, un REER peut être transformé en RV à tout âge. Évidemment, plus on est jeune, plus la RV est petite.

À partir de 60 ans, le participant à un RCR est avantagé parce que sa pension ne dépend pas spécifiquement de ses cotisations.

Au contraire, le participant au REER reçoit une RV qui dépend de ses cotisations et des rendements obtenus pendant une courte période. Le calcul a été fait avec un rendement de 8,6 %, celui de la CDPQ depuis 1966. Si j'avais calculé avec un rendement plus faible, la RV aurait été plus petite, mais la pension du RCR serait restée la même.

Je rappelle que la pension du RCR est indexée de 2 % par année. Voici la différence sans indexation :

Tableau 6

L'avantage du RCR est encore là, mais beaucoup plus faible.

Les deux derniers tableaux démontrent que, paradoxalement, ce sont les retraités avec des pensions partielles qui peuvent coûter cher aux RCR PD. Ce sont ceux qui ont moins de 35 années de participation et qui ont pu recevoir leur pension immédiatement. Pourquoi? Parce que leurs cotisations n'ont pas eu assez de temps pour fructifier. Ceux qui profitent du facteur 90 (par exemple, 55 ans d'âge et 35 années de participation) ont, dans la plupart des cas, accumulé suffisamment d'argent pour recevoir leur dû.

Différences entre RCR PD et REER

Mon tableau 7 résume les principales différences entre le bloc individuel des REER et le bloc collectif des RCR PD. Quant aux rentes provenant d'un régime à cotisations déterminées (RCR CD), elles ressemblent beaucoup à celles qu'on achète avec des REER, sauf si le régime à prévu des règles particulières.

Tableau 7

En somme, ceux qui s'achètent des REER ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour préparer leur retraite. Il n'y a aucun partage de risques avec d'autres. À titre d'exemple, durant la crise économique de 2008, plusieurs ont vu la valeur de leur REER baisser dramatiquement. Ceux qui étaient à la veille de prendre leur retraite ont peut-être été forcés de la retarder parce qu'ils ne pouvaient plus se payer la RV prévue.

Avantages et inconvénients du partage des risques

Ceux qui participent à un RCR – surtout s'il est à PD – partagent ensemble certains risques comme les rendements, la réversibilité au conjoint, l'âge et le sexe des bénéficiaires, etc. C'est une mise en commun des cotisations dans le but de maximiser les rendements et d'uniformiser les pensions. Il y a des gagnants et des perdants.

Les gagnants sont ceux qui reçoivent plus qu'ils n'ont donné. Par exemple, ceux qui n'ont cotisé que quelques années juste avant de prendre leur pension... Il y a aussi ceux qui ont pris leur retraite dans une période de mauvais rendements. Tous les fonds de pension ont perdu beaucoup d'argent en 2008. C'est un risque assumé par l'ensemble des participants. Les pensions des retraités n'ont pas été affectées et personne n'a été forcé de retarder sa retraite.

Les perdants dans le partage des risques sont ceux qui ont donné plus que nécessaire. Ils ont cotisé de nombreuses années ou bien, il y a longtemps. La pension qu'ils reçoivent est souvent trop basse par rapport aux sommes investies.

Quant aux régimes à cotisations déterminées (RCR CD), les risques sont peu partagés entre tous les participants. Cela fait que chacun se retrouve avec une RV dont le montant dépend de très nombreux facteurs. Pierre, Jeanne et Jacques qui ont versé les mêmes cotisations en même temps, recevront un montant différent, même s'ils prennent leur retraite le même jour.

Pour les curieux...


Les RCR PC sont un compromis entre les régimes à PD et ceux à CD. Ils pourraient remplacer une partie des uns et des autres au cours des prochaines années. Les RPDB et les RVER sont plus apparentés aux régimes à CD.


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