jeudi 12 janvier 2017

Le problème avec la réforme du Régime de rentes du Québec

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Au début de décembre 2016, le gouvernement du Québec a présenté le document de consultation Consolider le Régime pour renforcer l'équité intergénérationnelle.

Je suis étonné qu'un gouvernement dirigé par Philippe Couillard, fédéraliste convaincu, propose une réforme qui va à l'encontre de nos intérêts en tant que Canadiens.

Le Québec est encore une province. Tant qu'il en sera ainsi, le Régime de rentes du Québec (RRQ) et le Régime de pensions du Canada (RPC) devront rester jumeaux. Si Philippe Couillard, un libéral, ne s'entend pas avec Justin Trudeau, un autre libéral, sur la réforme des pensions, il doit tenter de convaincre le reste du pays de réviser l'accord conclu en juin dernier. Au lieu de cela, il songe à mettre en péril la compatibilité des deux régimes.


Le gouvernement a beau présenter trois scénarios, on sait d'avance qu'il rejette le premier, celui sur lequel le reste du Canada s'est entendu (voir Le problème avec la réforme du Régime de pension du Canada). Le deuxième scénario emprunte un peu au premier, mais sans rien changer pour les travailleurs qui gagnent moins que la moitié du maximum des gains admissibles (MGA), 27 450 $ en 2016. Le résultat fait de nous des retraités de seconde classe par rapport aux autres Canadiens; nos rentes seraient significativement moins élevées. Cela pourrait donner envie aux Québécois d'aller gagner leur vie ailleurs au Canada, mais ce ne serait certainement pas un incitatif à venir travailler ici pour les autres Canadiens. Il y a des milliers de cotisants aux deux régimes qui pourraient se sentir floués par Québec.

Comme le troisième scénario est le statu quo, on se doute bien que c'est le préféré de Philippe Couillard. Sinon, pourquoi l'aurait-il soumis à notre attention? Le gouvernement cherche à protéger les entreprises contre toute hausse de cotisations au RRQ, quitte à priver les citoyens du Québec de certains des avantages d'être Canadiens.

Curieusement, nous ne sommes pas loin d'une déclaration unilatérale d'indépendance!

J'ironise, bien sûr.

En réalité, le gouvernement souffle le chaud et le froid. Il veut que le RRQ soit pareil au RPC quand cela coûte moins cher. Il cherche à nous différencier du reste du Canada quand il trouve la facture trop salée. Pour supposément protéger la compétitivité des entreprises québécoises, il est prêt à sacrifier la bonification du système de retraite en cours dans le reste du Canada.

En plus des trois scénarios précédents, le gouvernement présente ce qu'il appelle, dans sa langue de bois, des « mesures structurantes pour renforcer la pérennité du Régime ». Dans la majorité des cas, il s'agit de réduire des avantages dans le but de limiter le risque d'augmentation des cotisations.

Première proposition

Relever l’âge minimal d’admissibilité à la rente de retraite anticipée du RRQ.

La retraite anticipée n'existait pas au RRQ avant 1984. La Régie des rentes du Québec (devenue Retraite Québec) a convaincu le gouvernement d'adopter cette mesure en lui démontrant qu'elle ne coûtait rien. Payer 100 % de la rente à partir de 65 ans ou 70 % à partir de 60 ans était neutre d'un point de vue actuariel. Depuis, le gouvernement a serré la vis: la rente payable à 60 peut être aussi basse que 64 % du montant payable à 65 ans. Cela signifie qu'on est pénalisé de demander sa rente à 60 ans. Inversement, on est récompensé de la retarder. À 70 ans, on peut recevoir 142 % au lieu de 130 %. Autrement dit, ceux qui sont récompensés reçoivent l'argent qui était dû à ceux qu'on a pénalisés.

Apparemment, la pénalité ne nous décourage pas de partir tôt à la retraite. Je sais que le gouvernement voudrait nous forcer à travailler plus longtemps parce qu'il craint une pénurie de main-d'œuvre avec le vieillissement des baby-boomers. Relever l'âge minimal serait pour lui une manière de contrer la décision du fédéral de maintenir l'âge normal de la retraite à 65 ans.

De mon point de vue, Québec devrait plutôt tenter de convaincre le reste du Canada de l'opportunité d'augmenter l'âge normal de la retraite à 67 ans. C'est une mesure qui serait parfaitement justifiable à cause de l'augmentation de l'espérance de vie.

La retraite anticipée réduit le coût du RRQ puisqu'elle est pénalisante. Dans ce contexte, il n'y a aucune raison de relever l'âge minimal d'admissibilité. Je suis même d'avis de faire sauter la pénalité. Compte tenu de l'espérance de vie actuelle, je calcule les équivalences actuarielles suivantes :
  • réduction de 5 % par année (0,4167 % par mois) avant 65 ans (réduire davantage est inéquitable)
  • augmentation de 7,2 % par année (0,6 % par mois) après 65 ans (augmenter davantage est inéquitable).
À noter que la personne qui retarde le paiement de la PSV a droit à 0,6 % de plus par mois. Cela confirme mon calcul.

Deuxième proposition

Simplifier et uniformiser la protection en cas d’invalidité à partir de l’âge minimal d’admissibilité à la rente de retraite.

À première vue, cette proposition est pleine de bon sens.

Troisième proposition

Moderniser les parties uniformes de la rente de conjoint survivant.

En fait, réduire la rente de conjoint survivant. Ici, le gouvernement est d'accord pour appliquer ce qui existe depuis longtemps au RPC puisque cela lui permettrait d'épargner de l'argent.

Je ne m'oppose pas à ce que les prestations du RRQ et du RPC soient pareilles.

Quatrième proposition

Réviser le montant maximal de la rente combinée (rente de retraite et rente de conjoint survivant).

Encore une fois, il s'agit de réduire la rente de conjoint survivant.

Je m'oppose à ce qu'on pénalise un veuf ou une veuve parce qu'il (elle) a eu l'opportunité de cotiser au RRQ. Les rentes devraient être additionnées dans les deux régimes.

Cinquième proposition

Assurer la pleine capitalisation des améliorations éventuelles apportées au Régime.

C'est une mesure qui existe déjà au RPC. Je suis pleinement d'accord. Les propositions que je fais ailleurs sont complètement capitalisées.

Sixième proposition

Introduire un facteur de longévité.

En fait, réduire la rente ou en retarder le paiement sous prétexte qu'elle doit être versée plus longtemps. Comme avec la première proposition, c'est une manière de contrer la décision du gouvernement canadien de garder l'âge normal de la retraite à 65 ans. Encore une fois, il serait plus productif de convaincre les Canadiens de reporter l'âge normal à 67 ans. D'autant plus que ce facteur de longévité serait pénalisant pour les Québécois en général et, plus particulièrement, pour les nombreux cotisants aux deux régimes, s'ils avaient l'idée folle de s'installer au Québec avant de demander leur rente. Il faut savoir que l'organisme responsable dépend du lieu de résidence du bénéficiaire quand la rente devient payable...

À noter qu'un facteur de longévité serait inutile pour ce qui concerne ma proposition de rente supplémentaire dans Comment le système de retraite devrait-il fonctionner?

Septième proposition

Indexer les rentes en paiement selon l’inflation au Québec.

En fait, réduire les indexations annuelles sous prétexte que le coût de la vie est plus faible au Québec.

Tant qu'à faire, pourquoi pas selon l'inflation dans chaque région, chaque ville ou chaque patelin? Et que fera le gouvernement si l'inflation devient plus forte qu'ailleurs au Canada?

Voilà une autre mesure qui ne favorise pas la mobilité de la main-d'œuvre et qui donne envie de quitter le Québec pour éviter d'y être assujetti. Ce n'est vraiment pas une bonne idée.

J'apprécie que notre gouvernement veuille limiter le risque de hausses de cotisation au RRQ. Je doute que de grappiller ici et là soit la méthode appropriée. Par contre, est-il vraiment nécessaire de toujours maintenir la réserve à quatre années de prestations? Ne serait-il pas logique qu'elle baisse à mesure que les baby-boomers quitteront le marché du travail? On pourrait ainsi geler, sinon baisser le taux actuel. Il sera toujours temps de regarnir la caisse, peut-être même sans augmenter les coûts, quand la pyramide des âges (voir Le problème avec le Régime de rentes du Québec) sera redevenue normale.

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